PROGRAMME TRAVAILLEURS/EMPLOYEURS DE L'OCDE
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L’architecture du
marché financier mondial :
Initiatives récentes
et prochaines au niveau national et international
Rapport d’une réunion d'experts syndicaux tenue dans le cadre du Programme Travailleurs/Employeurs de l'OCDE
(Paris, le 12 décembre 2001)
Les relations formelles entre l'OCDE et les représentants des syndicats, des entreprises et de l'industrie dans les pays Membres passent par deux organismes officiellement reconnus par le Conseil de l'OCDE. Il s'agit de la Commission Syndicale Consultative auprès de l'OCDE (TUAC) et du Comité Consultatif Économique et Industriel auprès de l'OCDE (BIAC). Les dispositions adoptées prévoient, outre diverses formes d'échanges de vues sur des problèmes de fond organisés tout au long de l'année, la tenue de réunions au niveau technique qui n'engagent pas la responsabilité des organisations. Ces réunions prennent la forme de débats spécifiques soit avec le Secrétariat, soit dans le cadre du Programme Travailleurs/Employeurs pour lequel est établi, au début de chaque année, un calendrier de réunions consacrées à des thèmes bien précis.
A l'issue des réunions tenues dans le cadre du Programme, un rapporteur établit, sous sa responsabilité, un rapport des délibérations en vue de sa distribution aux partenaires sociaux ainsi qu'aux comités compétents de l'OCDE. Ces rapports reflètent les opinions du rapporteur, sauf lorsque ces dernières sont expressément attribuées à des participants, et ne correspondent pas nécessairement aux vues des autres participants ou à celles de l'OCDE.
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OCDE, 2002
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AVANT-PROPOS.............................................................................................4
ORDRE DU JOUR............................................................................................ 5
document de synthese......................................................................................... 6
INTRODUCTION............................................................................................. 6
QUESTIONS DE GOUVERNANCE FINANCIERE DANS LES PAYS DEVELOPPES................................................................................................... 6
QUESTIONS DE GOUVERNANCE FINANCIèRE CONCERNANT LES PAYS DéVELOPPéS ET LES PAYS EN DéVELOPPEMENT........................8
RAPPORT FINAL SUR LA RéUNION.................................................12
ANNEXE – LISTE DES PARTICIPANTS.............................................18
Dans le cadre du Programme Travailleurs/Employeurs de l'OCDE pour 2001, une réunion d'experts syndicaux sur « L’architecture du marché financier mondial : Initiatives récentes et prochaines au niveau national et international » s'est tenue à Paris le 12 décembre 2001. Cette réunion a été préparée avec le concours de la Commission Syndicale Consultative auprès de l'OCDE (TUAC).
L’ordre du jour de cette réunion se trouve ci-après. Le document de synthèse, ainsi que le rapport qui donne une vue d'ensemble des débats de la réunion d'experts, ont été établi, tous les deux, par M. Dean Baker, qui avait été désigné comme rapporteur général.
LES IDEES EXPRIMÉES ET LES ARGUMENTS AVANCÉS DANS LE PRÉSENT RAPPORT N'ENGAGENT QUE LEUR AUTEUR ET NE REPRÉSENTENT PAS NÉCESSAIREMENT CEUX DE L'OCDE
Remarques préliminaires
Initiatives récentes en matière de réforme des marchés de capitaux nationaux et internationaux, notamment en vue d'une plus grande transparence et d'une meilleure surveillance
Discussion
Les effets économiques et sociaux de la libéralisation et de la déréglementation des marchés de capitaux dans les pays développés et en développement
Un point de vue prospectif sur les prochaines réformes, notamment :
q Questions concernant la coordination des politiques du G3 en matière monétaire et budgétaire
q Renforcement du régime prudentiel applicable aux marchés de capitaux.
q Impliquer le secteur privé, notamment dans la restructuration des dettes souveraines et dans l'élaboration d'une procédure internationale de règlement judiciaire (chapitre 11) ?
q Orienter les entrées et sorties de capitaux : ralentir et limiter les mouvements de capitaux spéculatifs. Examen d'autres propositions, y compris la taxe Tobin
Discussion
Ouverture du débat. Points de vue sur une vaste Commission d'enquête englobant
toutes les réformes des marchés de capitaux
Résumé des résultats de la réunion
Conclusion du Président
par
M. Dean Baker, Directeur adjoint
Centre de la recherche économique et politique (CEPR)
(États-Unis)
Email : [email protected]
Ces 20 dernières années, la libération du marché des capitaux a donné lieu à d’ambitieuses tentatives. Pendant cette période, les principales puissances économiques et les institutions financières internationales ont cherché à supprimer les obstacles aux flux financiers infranationaux et internationaux. Sur le plan national, la libéralisation s’est accompagnée de l’élimination des réglementations et des structures institutionnelles visant à orienter les flux de capitaux vers certains secteurs comme celui du logement ou les petites entreprises. Sur le plan international, les gouvernements ont été encouragés à supprimer les obstacles à la libre circulation des capitaux à destination de leurs pays et vers les autres pays. Au vu des crises financières survenues depuis quatre ans, on peut se demander si ces mesures de libéralisation sont allées trop loin, ou s’il ne conviendrait pas au moins de les modifier pour accroître la stabilité du système financier international.
Ce document souligne un certain nombre de questions qui se posent dans ce contexte. La première partie traite des questions qui concernent essentiellement les économies développées, et la deuxième examine plus généralement les questions touchant à la fois les pays développés et les pays en développement.
Coordination des politiques au sein du G3
Les États-Unis et le Japon étant entrés dans des phases de récession, et l’Union européenne connaissant une croissance bien inférieure à son potentiel, voire une véritable récession, plusieurs propositions ont été avancées pour mieux coordonner la politique économique au sein du G3 dans le but d’inverser la conjoncture. En principe, une politique est plus efficace lorsque les principaux acteurs économiques mondiaux agissent de concert. Une orientation monétaire et budgétaire expansionniste mais coordonnée pourrait éventuellement donner l’élan nécessaire à l’économie mondiale pour se redresser. Le G3 pourrait également se fixer des objectifs de taux de change, afin de réduire l’instabilité des marchés monétaires ces dernières années. Reste à savoir si la coordination peut être organisée de manière plus efficace qu’elle ne l’est à l’heure actuelle.
La coordination se fait à l’heure actuelle à un niveau informel, au cours des débats lors des réunions au sommet du G8, des réunions des ministres des finances du G8, et à l’occasion de nombreux autres contacts formels et informels. Il n’est pas certain qu’elle serait plus efficace à un niveau plus officiel. Aucun dispositif ne peut contraindre le G3 à prendre des décisions économiques qu’il juge contraires à ses intérêts. De ce fait, si la coordination est à l’heure actuelle freinée par la prise en compte d’intérêts nationaux, on ne voit pas comment un processus plus officiel pourrait venir à bout de ces obstacles. D’ailleurs un processus de coordination plus formel pourrait même être contre‑productif, parce que l’impossibilité de parvenir à un consensus sur les objectifs serait un échec, qui aurait des effets négatifs sur les marchés financiers et saperait la confiance des entreprises. De même, des désaccords au plan national pourraient entraver la mise en œuvre de stratégies décidées en commun, ce qui nuirait à l’efficacité de la coordination. En outre, si les objectifs de taux de change se révèlent impossibles à atteindre, par exemple, la crédibilité des efforts futurs de coordination en sera affectée.
Ø Quel serait l’avantage d’un processus plus formel de coordination des politiques économiques au sein du G3 ?
Ø Quelle sorte de cadre institutionnel conviendrait-il de mettre en place pour encourager une coordination plus étroite au sein du G3 ?
Ø En cas d’échec de la coordination, quel est le risque d’aggravation de la conjoncture?
Indépendance
des banques centrales
Pendant les trois années qui ont suivi la création de l’euro, la BCE a été vivement critiquée au motif que sa politique monétaire était trop restrictive. Ces critiques émanent d’économistes du monde entier, des institutions financières internationales, et de plusieurs membres des gouvernements des pays de la zone euro. La BCE n’a guère tenu compte de ces critiques, ce qui s’explique par le fait qu’elle a été délibérément conçue pour rester tout à fait indépendante, conformément à la tendance générale à l’accroissement de l’indépendance des banques centrales depuis 20 ans. Dans le cadre de ce processus, l’Angleterre et le Japon ont récemment rendu leurs banques centrales indépendantes de leurs gouvernements. On peut se poser la question du bien-fondé de cette indépendance des banques centrales, peut-être excessive.
Les économistes se déclarent généralement en faveur de l’indépendance des banques centrales, parce qu’ils sont convaincus qu’une banque centrale indépendante est mieux à même de juguler l’inflation. Beaucoup d’études corroborent cette opinion et font ressortir que les banques centrales indépendantes réussissent en général à maintenir des taux d’inflation plus faibles, mais les pays les plus concernés par l’inflation sont également ceux qui ont le plus souvent des banques centrales indépendantes. En outre, il y a d’importants exemples, notamment ceux de l’Angleterre et du Japon, où les banques centrales opérant sous le contrôle du gouvernement ont été capables de mener à bien des politiques anti‑inflationnistes efficaces pendant de longues périodes. Que l’indépendance d’une banque centrale soit ou non un facteur d’efficacité pour lutter contre l’inflation, elle n’est donc semble-t-il pas indispensable pour maintenir l’inflation sous contrôle.
Il importe également de noter que selon la plupart des études consacrées à l’inflation, des taux modérés d’inflation n’ont pas ou peu d’impact négatif.[1] Il est donc possible qu’une banque centrale indépendante se préoccupe essentiellement de l’inflation, aux dépens de l’emploi et de la production. Comme la BCE et de nombreuses autres banques centrales considèrent la lutte contre l’inflation comme leur principal objectif, cette crainte est semble-t-il fondée.
Ø Les données concrètes visant à prouver que les banques centrales indépendantes sont plus efficaces en matière de lutte contre l’inflation justifient‑elles que la politique monétaire échappe au contrôle démocratique ?
Ø Est‑il souhaitable que les banques centrales se préoccupent exclusivement d’objectifs d’inflation ? Le modèle de la Réserve fédérale aux États-Unis avec un double objectif de stabilité des prix et de plein emploi n’est-t-il pas mieux adapté ?
Ø Existe-t-il des moyens d’associer une forme de contrôle démocratique à l’indépendance des banques centrales ?
Organiser les marchés de capitaux
Depuis vingt ans la plupart des pays de l’OCDE prennent des mesures pour supprimer des dispositifs d’orientation des flux de capitaux vers des secteurs spécifiques. Aux États‑Unis, par exemple, les institutions d’épargne et de prêt, qui étaient tenues d’octroyer la grande majorité de leurs prêts au secteur du logement, fonctionnent désormais à peu près totalement comme les banques commerciales. Il y a eu des changements du même ordre dans les institutions d’autres pays de l’OCDE chargées de soutenir le secteur du logement, celui des PME, et d’autres objectifs sociaux. L’affaiblissement ou l’élimination de ces systèmes d’orientation des flux se justifie car le développement global du marché des capitaux est tel que ces secteurs ciblés n’ont plus besoin d’avoir un accès privilégié au capital. Dans le cas du marché du logement aux États‑Unis, par exemple, le marché secondaire hypothécaire a atteint plusieurs milliers de milliards de dollars, ce qui permet au secteur du logement à usage résidentiel de disposer d’un montant important de capitaux. La progression de cette libéralisation du marché des capitaux conduit à remettre en question la nécessité de diriger les capitaux vers des objectifs socialement favorables.
Prenant notamment acte des succès apparents de l’économie américaine pendant les années 90, certains autres pays de l’OCDE, surtout l’Allemagne, ont également évolué en faveur d’un système régi par les mécanismes du marché comme celui des États‑Unis, aux dépens des banques. Cette évolution est en accord avec l’avis de nombreux économistes, qui est que les marchés sont mieux placés pour répartir les capitaux, surtout en faveur des nouvelles entreprises innovantes, que les banques. Depuis l’effondrement de la bulle technologique aux États‑Unis, la supériorité du système de marché n’est plus aussi évidente. Des milliers de milliards de dollars ont été dirigés vers des entreprises qui n’avaient aucun espoir d’atteindre leur seuil de rentabilité. D’autres exemples, dont le cas bien connu d’Enron, montrent qu’une communication erronée de données financières a pu entraîner une hausse des cours des actions.
Ø Y a-t-il des fonctions assurées par certains organismes de crédit, comme que les institutions d’épargne et de prêt aux États‑Unis, qui ne pourraient l’être par un marché de capitaux libéralisé ? Plus précisément, certains crédits justifiés accordés par ces organismes sont-ils impossibles à organiser dans le cadre d’un marché de capitaux libéralisé ?
Ø Les avantages d’un accès élargi au capital pour les nouveaux arrivants sur un marché de type américain compensent‑ils les risques associés aux marchés d’actions ?
Ø Y a-t-il des moyens de durcir les modalités d’application des règles de comptabilité afin d’éviter les manipulations financières du type de celles qui ont eu lieu aux États-Unis ces dernières années ?
La libéralisation des flux de capitaux internationaux et les autres évolutions de ces vingt dernières années n’ont pas apporté d’avantages évidents aux pays en développement. En définitive, contrairement aux vingt années précédant la phase (1980-2000) de libéralisation des marchés de capitaux, la croissance du PIB par habitant a marqué le pas, le taux de mortalité infantile a moins reculé, et le taux d’alphabétisation et l’espérance de vie ont moins progressé.[2]
Plus précisément, la libéralisation financière a plutôt entraîné une série de crises financières dans les pays en développement. Ces crises ont souvent déclenché des mesures d’austérité rigides. En outre, les pays en développement ont éprouvé le besoin d’accroître leurs réserves (en proportion de leur PIB) afin de se protéger contre les crises futures. On trouvera dans le tableau ci‑dessous le coefficient moyen des réserves en proportion du PIB dans chaque région du monde en développement depuis les 40 dernières années.[3]
Tableau 1 – Réserves en proportion du PIB, par décennie
et par région
(pondérées en fonction du PIB)
Région |
1960 |
1970 |
1980 |
1990 |
1997-99 |
Asie de l’Est et Pacifique |
8.9% |
6.8% |
12.4% |
20.4% |
24.2% |
Asie du Sud |
1.9% |
3.8% |
4.3% |
5.7% |
6.9% |
Amérique latine et Caraïbes |
3.0% |
6.3% |
6.2% |
7.9% |
8.4% |
Afrique subsaharienne |
5.5% |
6.8% |
4.8% |
6.9% |
9.5% |
Moyen-Orient et Afrique du Nord |
8.2% |
20.0% |
13.8% |
16.1% |
17.0% |
Source : Banque mondiale 2001 et calculs des auteurs.
Les réserves ont fortement augmenté dans toutes les régions du monde en développement entre les années 60 et les années 90, l’augmentation étant plus accentuée pendant les trois dernières années de la décennie. C’est en Asie de l’Est que la hausse a été la plus prononcée, le coefficient réserves/PIB ayant progressé de plus de 15 points de pourcentage entre les années 60 et la fin des années 90.
Cet accroissement des réserves coûte très cher aux pays en développement. La rentabilité réelle des actifs en réserve ne dépasse en général pas 1 à 2 pour cent. En revanche, pour constituer ces réserves, les pays doivent supprimer d’autres importations, qui pourraient encourager l’investissement en capital physique ou humain. Ces investissements pourraient produire un rendement égal à au moins 10, voire 20 points de pourcentage de plus que le rendement des avoirs en réserve. Un simple calcul arithmétique montre que les pays en développement sont obligés d’abandonner un montant de revenu qui pourrait dépasser 2 pour cent de leur PIB à seul fin de maintenir le niveau actuel de leurs réserves, par opposition aux niveaux de leurs réserves pendant les années 60.
Les problèmes que pose l’instabilité financière sont incontestables, mais tout le monde ne s’accorde pas sur les meilleurs moyens de stabiliser les marchés de capitaux. L’attention s’est surtout portée sur le contrôle des flux de capitaux à court terme. Les transactions sur les marchés des changes dépassent désormais 400 000 milliards de dollars par an. Ces transactions sont en grande majorité à court terme et ont pour objet de tirer parti de différentiels de taux d’intérêt relativement faibles ou d’anticiper des fluctuations de taux de change. L’amplitude de ces flux peut créer des distorsions énormes sur les marchés émergents et peser à la hausse ou à la baisse sur la valeur des monnaies. Plusieurs propositions ont été avancées ces dernières années pour diminuer les flux de capitaux à court terme et leur effet déstabilisateur tout en préservant les flux de capitaux destinés à financer les échanges ou l’investissement.
La
taxe Tobin et les contrôles de capitaux
La taxe Tobin est la mesure la plus couramment proposée dans ce contexte. L’argument de base est simple : cette modeste taxe (0.1 pour cent de la valeur d’une transaction, le taux le plus fréquemment présenté) est à peine perceptible pour quiconque effectue des transactions commerciales ou prévoit un investissement à long terme, mais elle peut constituer un facteur décourageant pour les spéculateurs qui ont l’intention d’acheter et de vendre une monnaie dans un intervalle de temps très court. En augmentant le coût de ce type de spéculation, la taxe Tobin pourrait réduire de façon substantielle le montant des spéculations sur le marché. Si la spéculation est bien la cause de l’instabilité et qu’elle diminue en volume, les marchés monétaires seront plus stables. En outre, même ce modeste impôt pourrait générer des dizaines de milliers de millions de dollars qui pourraient servir à soutenir le développement. Il convient aussi d’observer que la taxe Tobin pourrait éventuellement mettre un terme à un important gâchis de ressources en réduisant la main-œuvre et le capital mobilisés pour la spéculation financière.
Les détracteurs de la taxe Tobin doutent de son effet stabilisateur sur les marchés de capitaux. L’effet déstabilisant de la spéculation financière est un argument qui date de Keynes et qui a été plus récemment développée dans plusieurs articles de Larry Summers sur la théorie des rumeurs ou des « bruits » sur le marché.[4] Le concept de base est le suivant : lorsqu’un grand nombre d’opérateurs sur le marché effectuent des transactions en fonctions d’éléments qui n’ont pas de rapport avec les fondamentaux, ils font bouger le marché et imposent de ce fait des coûts aux opérateurs qui se calent sur les fondamentaux. Si la taxe Tobin peut évincer ces opérateurs qui réagissent en fonction de rumeurs ou « bruits » sur le marché, l’instabilité des marchés de capitaux s’en trouvera diminuée. La réponse des détracteurs de la taxe Tobin est que cette taxe nuira essentiellement aux arbitragistes, dont les transactions sont assorties de marges très minces. On peut d’ailleurs estimer qu’en réduisant le rôle des arbitragistes, on s’exposerait à une plus grande instabilité sur les marchés monétaires.[5]
La question de l’applicabilité de la taxe Tobin se pose également, mais elle relève davantage du politique que de l’économique. Le taux le plus couramment proposé pour la taxe Tobin est de 0.1 pour cent de la valeur de la transaction. En comparaison, les droits de reproduction représentent dans la pratique une taxe de 100 pour cent (collectée par les intervenants privés) sur des produits tels que des logiciels ou des musiques enregistrées, qui pourraient sans copyrights être transférés gratuitement. Puisque les droits de reproduction sont en général appliqués, alors même que l’incitation à l’évasion est beaucoup plus forte, il est donc raisonnable de conclure à l’applicabilité de la taxe Tobin.
La taxe Tobin n’aurait qu’un succès relativement limité pour ce qui est de contenir les flux de capitaux à court terme, mais il existe d’autres types de contrôle des capitaux plus efficaces. Entre 1991 et 1998, le Chili a imposé un système de contrôle aux termes duquel les investisseurs étrangers étaient obligés de détenir un compte non rémunéré auprès de la banque centrale pour des périodes inférieures à un an, correspondant à un pourcentage (entre et 20 et 30 pour cent) du montant des pesos chiliens qu’ils avaient empruntés. Cette forme de contrôle des capitaux constitue une contre-incitation importante pour les opérateurs cherchant à acheter des pesos à des fins de spéculation à court terme, mais elle a très peu d’impact sur les entreprises prévoyant des investissements à long terme au Chili.
La Malaisie a imposé des contrôles des capitaux plus stricts juste après la crise financière en Asie de l’Est. Il est difficile d’en conclure que la Malaisie a subi des conséquences préjudiciables à long terme du fait des contrôles qu’elle a imposés en 2001, interdisant à titre temporaire les transactions en monnaie malaysienne.[6] Le fait que ces contrôles aient été imposés sans aide internationale, de façon relativement stricte et apparemment au cas par cas n’a pas eu d’impact négatif clairement mesurable, et porte à conclure qu’il existe une gamme beaucoup plus étendue de contrôles efficaces que ne veulent généralement l’admettre les économistes. On peut supposer que les résultats auraient été meilleurs avec un soutien international plus important et une planification plus rigoureuse.
Ø Les flux de capitaux découragés par une taxe Tobin seraient‑ils stabilisants ou déstabilisants ?
Ø Une taxe modeste sur les transactions de change peut‑elle avoir une influence stabilisatrice sur les marchés monétaires ?
Ø Des contrôles plus forts et plus directs des flux de capitaux peuvent‑ils être plus efficaces, surtout lorsqu’il s’agit d’aider des pays à traverser une crise temporaire ?
Règles
internationales en matière de faillites
Les pays en développement se sont régulièrement trouvés confrontés à des crises financières qui les rendaient incapables d’assurer la charge de leur dette. De nombreux économistes et responsables politiques se déclarent en faveur d’une loi internationale sur les faillites, sur le modèle des procédures de l’Article 11 aux États Unis, qui pourrait délivrer les pays d’une part importante de leur dette. En principe, cette loi devrait exiger des créanciers qu’ils absorbent des pertes au titre d’une part de la dette, mais aussi garantir un traitement équitable de tous les créanciers, les pertes étant calculées en fonction de règles établies.
Une procédure internationale de ce type aurait d’énormes avantages si elle évitait aux pays concernés les mesures d’austérité et les récessions qu’ont entraînées les récentes crises financières. Toutefois, sa mise en application effective se heurte à de nombreux obstacles. Le premier consiste à fixer des règles qui trouvent un équilibre adéquat entre les intérêts des créanciers et ceux des pays débiteurs. Si les règles sont trop généreuses vis-à-vis des débiteurs, l’octroi de prêts aux pays en développement sera découragé et les débiteurs pourraient être tentés de se placer sous la protection du droit des faillites sans réelle nécessité. En revanche des règles trop sévères ne pourraient donner aux pays endettés l’aide dont ils ont besoin.
Le contrôle de l’application de cette procédure aura également beaucoup d’importance. Inévitablement, de nombreuses décisions impliqueront des jugements subjectifs. Contrairement aux procédures de l’Article 11, il n’y a pas de plafonnement des actifs utilisables à des fins de remboursement des créanciers. Si les pays en développement estiment que l’agent chargé de contrôler la procédure de faillite va les défavoriser, ils ne vont pas utiliser cette procédure. Certains pays (la Russie et l’Equateur) ont récemment fait unilatéralement défaut sur une partie de leur dette, sans conséquences négatives apparentes. Il faudra donc que la procédure internationale de faillite soit plus avantageuse qu’une stratégie de défaut de paiement unilatérale pour qu’elle soit utilisée.
Ø D’après l’article 11 de la loi sur les faillites aux États-Unis, la gestion d’une entreprise doit faire passer les créanciers avant les actionnaires. Quel principe devrait sous‑tendre une procédure internationale s’inspirant de l’Article 11 ?
Ø Lors de la crise financière en Asie de l’Est, la grande majorité des dettes étaient privées. Une loi sur les faillites internationales pourrait elle s’appliquer au‑delà des frontières nationales à des entreprises privées ?
Ø Si l’on mettait en place une procédure de faillite, qui devrait en être l’administrateur ? Comment s’assurer simultanément de la confiance des pays créditeurs et de celle des pays en développement ?
par
M. Dean Baker, Directeur adjoint
Centre de recherche économique et politique (Etats-Unis)
Suite aux présentations effectuées par Bob Baldwin, le Président, M. Pecchioli fait le point sur les changements et les progrès les plus marquants du système financier depuis les 30 dernières années. Il observe que cette période s’est caractérisée par un énorme accroissement de la variété des instruments financiers, ce qui a des retombées positives pour les consommateurs.
Il recense cinq domaines où des progrès significatifs et durables ont été accomplis :
1. Les codes et normes internationaux. Il y a désormais environ 60 normes largement acceptées, dont 12 ont été identifiées par le Forum pour la stabilité financière comme essentiels pour tous les pays ;
2. Le développement du processus de réforme — le processus de réforme réglementaire a bénéficié d’apports de tous les secteurs de la société, alors qu’il y a trente ans, même des documents achevés n’étaient souvent pas diffusés ;
3. Champ géographique d’application de la réforme — les principes réglementaires et de contrôle sont à l’heure actuelle conçus pour toutes les nations, qui (sous différentes formes) sont impliquées dans le processus de mise au point des codes et des normes, alors que par le passé leur champ d’application se limitait aux principales places financières ;
4. L’importance croissante des considérations éthiques — des questions telles que le blanchiment de capitaux, le gouvernement d’entreprise, les centres financiers extraterritoriaux et l’anonymat des entreprises font désormais partie intégrante des débats concernant la réglementation financière. Ces questions n’étaient pas jugées pertinentes il y a 30 ans ;
5. Le développement d’une architecture à large assise — il y a beaucoup plus de contacts entre les responsables de la réglementation et les décideurs que ce n’était le cas il y a 30 ans. Les réglementations approuvées à l’heure actuelle ont davantage de chances de bénéficier d’un soutien politique plus large et donc d’être appliquées de façon plus efficace.
En résumant ses commentaires, M. Pecchioli énonce quatre raisons de son optimisme général concernant l’avenir du système financier.
1. une nouvelle architecture financière est en voie de construction pour aborder les problèmes très complexes du nouveau paysage financier ;
2. l’opinion publique est beaucoup plus consciente des changements qui ont lieu que par le passé ;
3. un grand nombre de pays coopèrent activement au processus de conception et de mise en œuvre de nouvelles réglementations ; et
4. le système réglementaire réagit beaucoup plus rapidement lorsque des problèmes se posent.
M. Baker présente les questions posées par les représentants des syndicats :
1. La coordination des politiques macro-économiques au sein du G3 pourrait-elle être améliorée ;
2. Le public est–il à même d’exercer une influence sur les politiques monétaires menées par les banques centrales, notamment celle de la Banque centrale européenne, qui pose problème. L’objectif prioritaire accordé par la BCE à la stabilité des prix est en fort contraste avec celui de la Réserve fédérale aux États-Unis, qui donne une égale importance à la stabilité des prix et au plein emploi.
3. La libéralisation de systèmes financiers nationaux peut-elle donner lieu à un déficit de financement dans certains secteurs, comme celui des petites entreprises ou du logement. La politique réglementaire était précédemment conçue pour orienter les flux de capitaux vers ces secteurs, qui risquent donc de manquer de ressources dans un système financier déréglementé.
4. La taxe Tobin – continue à susciter de l’intérêt en tant que moyen de réduire le volume des transactions de change. Une réduction du volume des opérations permettrait d’atténuer la volatilité sur les marchés des changes. Elle aurait également pour effet de diminuer les ressources en capital et en travail mobilisées pour réaliser ces transactions de change. En outre, la taxe Tobin permettrait de lever des montants substantiels de capitaux destinés au financement du développement ou à d’autres objectifs sociaux.
5. Les contrôles des mouvements de capitaux – on observe que le Chili et la Malaisie ont relativement bien réussi à limiter les effets déstabilisateurs des mouvements de capitaux à court terme en imposant des contrôles des capitaux. Les experts syndicaux se demandent dans quelle mesure ces contrôles pourraient être efficaces ailleurs ; et
6. Les règles internationales en matière de faillites – de nombreux pays en développement se sont trouvés confrontés à des charges de dettes qu’ils étaient incapables de rembourser. Dans ces circonstances, la création d’une procédure internationale de règlement judiciaire, délivrant les débiteurs d’une partie de leurs obligations – et obligeant les créanciers à accepter des pertes – peut être préférable à des opérations successives de sauvetages, comme en Argentine, en Turquie et dans d’autres pays en développement.
M. Evans amorce ensuite le débat en distinguant ce qu’il caractérise comme l’accent mis par M. Pecchioli sur la micro-efficience et les questions de macro‑efficience soulevées par les commentaires de M. Baker. Il observe que les syndicats jugent nécessaire d’intervenir dans la conception de la politique financière d’une manière qu’ils n’avaient pas coutume d’utiliser il y a 20 ans, parce que leurs membres en ressentent les effets. Il observe par exemple qu’au milieu des années 90, les gains de compétitivité qu’espéraient obtenir les travailleurs allemands en acceptant une modération salariale d’un demi-point de pourcentage ont été complètement annihilés par une appréciation de 10 pour cent du mark l’année suivante.
Il note que les syndicats estiment qu’il n’y a pas de véritable lieu d’échange où ils pourraient se faire entendre, le centre d’intérêt politique s’étant déplacé du niveau national vers l’international. Il fait également observer que les différentes parties prenantes n’ont pas la même approche de la réforme financière, les banquiers d’affaires par exemple n’ayant pas des préoccupations identiques à celles des syndicats.
M. Elmeskov réagit aux commentaires suggérant que les marchés de capitaux ne contribuent pas à la création d’emplois ou à l’amélioration du niveau de vie. Il se réfère aux études de l’OCDE qui démontrent que les pays ayant des marchés financiers plus élaborés connaissent une croissance économique plus rapide, ce qu’il attribue à une allocation des ressources plus efficiente. Il note également que l’indépendance croissante des banques centrales est une réaction à la forte inflation des années 70, imputable aux politiques monétaires laxistes de ces banques centrales. Il n’est pas convaincu que les marchés de capitaux libéralisés comportent encore des failles importantes, et estime que si l’on veut favoriser des secteurs spécifiques, tels que le logement, il vaut mieux le faire dans la transparence par le biais de subventions directes.
M. Baker note que les résultats de certaines études établissant un lien entre la croissance du PIB et le degré d’élaboration des marchés de capitaux tient à l’inclusion d’entités atypiques comme la Thaïlande et Taïwan dans l’échantillon de pays industrialisés. Il fait également observer que depuis quelques années, la croissance du PIB ces dernières années aux États-Unis, où les marchés de capitaux sont très élaborés, est en grande partie imputable au poids inhabituel et croissant des amortissements. Or, cette forme de croissance n’a guère d’effets bénéfiques, les ressources en cause ne pouvant être consommées ni accroître le stock de capital.
M. Reisen estime que les questions macro-économiques sont importantes, mais que la libéralisation est souhaitable parce que les marchés assurent mieux la fonction de l’allocation du capital que ne le font les systèmes financiers fortement réglementés, et souligne que les technologies de l’information se diffusent plus rapidement dans les pays qui ont des systèmes de marché bien développés. Quant aux excès, on peut les corriger en améliorant les règles, sans retour à la réglementation. Il reconnaît également que la politique monétaire a un rôle à jouer vis à vis de la conjoncture, et que la maîtrise de l’inflation n’est pas le seul objectif à atteindre.
M. Thompson répond aux participants qui ont évoqué le gaspillage sur les marchés de capitaux, notamment les milliards prêtés à Enron et les faillites de sociétés de télécommunications et d’Internet, en faisant observer que dans les systèmes réglementés comme au Japon il y a également des erreurs d’allocation de capital.
M. Baker indique qu’il est d’accord avec l’évaluation de Paul Krugman, selon laquelle l’origine principale des problèmes que connaît le Japon à l’heure actuelle est l’insuffisance de la demande, et que la meilleure façon d’y remédier serait pour la Banque centrale de viser un faible taux d’inflation.
M. Kennedy évoque les avantages de l’indépendance des banques centrales, citant l’exemple du Royaume-Uni où les taux d’intérêt ont fortement baissé immédiatement après l’indépendance de la banque centrale. Au sujet du déficit de financement, il cite des études qui montrent que lorsque les petites banques sont reprises, leurs clients continuent à être financés par la nouvelle entité.
Il répond aux commentaires de M. Baker sur les études établissant un lien entre la croissance et l’importance du marché des capitaux en indiquant que les résultats des études de l’OCDE sont fiables et ne dépendent pas d’entités atypiques. Il estime par ailleurs que la production brute est un meilleur indicateur de croissance que la production nette. Les gains réels proviendraient de la manière dont les entreprises se réorganisent pour tirer parti des nouvelles technologies. De ce fait, la production nette pourrait croître aussi. Par ailleurs, il cite des études qui font état d’une baisse réelle de la volatilité des taux de change.
M. Janssen précise qu’il ne souhaite pas un retour aux années 70 non plus, mais qu’il est convaincu que les banques centrales sont allées trop loin en privilégiant exclusivement la stabilité des prix.
M. Baker indique que les critiques des systèmes financiers d’Asie de l’Est lui semblent étranges dans la mesure où ces pays ont connu les taux de croissance les plus élevés du monde. L’argument selon lequel ils auraient encore fait mieux s’ils avaient libéralisé leurs marchés de capitaux plus tôt est en apparente contradiction avec les faits, puisqu’il n’y a pas d’exemple de pays ayant des systèmes financiers libéralisés et des taux de croissance aussi élevés.
D’après M. Elmeskov, les systèmes d’Asie de l’Est ont pu être adaptés à un stade de leur développement, aujourd’hui dépassé. Par ailleurs l’OCDE ne juge pas nécessairement et systématiquement souhaitable la libéralisation des mouvements de capitaux. M. Elmeskov précise que l’OCDE est consciente des dangers d’une ouverture des marchés dans un premier temps aux seuls capitaux à court terme, et estime qu’il serait préférable de libéraliser les flux de capitaux à long terme d’abord, ou de procéder à une libéralisation de l’ensemble des flux simultanément.
M. Reisen convient que des erreurs ont été commises après le début de la crise d’Asie de l’Est, mais fait observer que les plus grosses erreurs ont été faites avant la crise, notamment l’accumulation de créances non performantes. Il soutient que Hong Kong et Singapour ont suivi des procédures bancaires satisfaisantes, ce qui leur a permis d’échapper aux pires effets de la crise.
M. Evans remet cette problématique en question. Il fait observer que les travailleurs mexicains ont connu une baisse de leurs salaires réels depuis 10 ans. Il note également que les membres de syndicats en Corée du Sud, en Argentine et en Turquie pensent tous qu’ils ont des problèmes imputables au mauvais fonctionnement du système financier international. Il indique aussi que les apports de capitaux en Asie de l’Est avant la crise n’avaient apparemment pas suscité de critiques.
Il souligne qu’il ne s’agit pas de trancher entre le contrôle par l’État et une absence complète de réglementation, mais plutôt de faire en sorte que les parties prenantes aient l’occasion de prendre part au débat international dans des conditions analogues à celles qui prévaudraient si les décisions étaient prises au niveau national.
M. Reisen indique que s’il n’y avait pas eu de crises financières, les syndicats des pays de l’OCDE auraient connu une délocalisation encore plus prononcée des emplois en faveur des pays en développement. Il indique également que l’augmentation des réserves en devises en proportion du PIB, soulignée par M. Baker, n’est pas un indicateur d’instabilité du système financier mondial. Il attribue l’augmentation des avoirs en réserves aux efforts déployés par les pays en développement pour maintenir leurs monnaies à un faible niveau, afin de rendre leurs exportations plus compétitives.
Il estime également que la libéralisation des mouvements de capitaux ne produit pas toujours des avantages pour les pays en développement. Elle ne favorise la croissance que dans la mesure où les pays sont par ailleurs en bonne santé économique.
Après la pause, M. Kennedy évoque la question d’un renforcement de la coordination au sein du G3. Il établit une distinction entre la coopération et la coordination, en réponse aux préoccupations relatives à la possibilité d’un processus plus formel de coordination des politiques économiques au sein du G3. Il estime que la coopération existe déjà, et que si les pays font ce qu’il faut, les choses se passent généralement bien, même sans coordination formelle.
Il estime que la coordination peut être source de lourdeurs, les pays étant situés à des stades différents du cycle économique, ayant des structures démographiques différentes et d’autres caractéristiques qui leur sont propres.
Il estime que le ciblage du taux de change n’est peut être pas toujours souhaitable. Il se réfère à des études indiquant que la volatilité est essentiellement le résultat d’informations ponctuelles. Il note également que les échanges ont continué à croître rapidement dans les années 70, en dépit d’une volatilité importante des taux de change. Il attribue ce phénomène essentiellement à la mise à disposition d’instruments de couverture peu onéreux.
Il note qu’un taux de change fixe enlève aux autorités un moyen d’action et peut les obliger à faire évoluer leur économie nationale afin de se conformer à un objectif de taux de change. En outre, il peut y avoir un problème d’aléa moral si des personnes sont amenées à croire à tort que les autorités respecteront leur objectif à tout prix.
M. Pecchioli présente alors sa vision des principaux défis que représentent les efforts de renforcement du cadre réglementaire prudentiel :
1. la structure du marché évolue, ce qui veut dire que les distinctions entre des différents types d’institutions financières disparaissent, tout comme les distinctions entre secteur financier et non financier ;
2. la croissance des intervenants importants et l’accroissement potentiel qui en résulte pour l’étendue des risques systémiques ;
3. la nécessité d’éviter une réglementation excessive qui pourrait freiner l’innovation et la concurrence ;
4. la nécessité de promouvoir la transparence tout en protégeant la confidentialité ;
5. la nécessité d’améliorer les capacités de surveillance afin d’appréhender de nouvelles formes de risques, surtout ceux qui découlent des progrès de la technologie ;
6. la nécessité d’améliorer l’expertise des responsables de la surveillance ;
7. la nécessité de trouver des systèmes plus efficaces de coopération internationale.
M. Larson commente alors les problèmes que posent les flux de capitaux à court terme. Il reconnaît que les crises financières posent un problème, et que la libéralisation comporte à la fois des avantages et des coûts. Parallèlement, il ne souhaite pas un retour à l’époque des interventions gouvernementales. Le principal problème est que les flux de capitaux accentuent les effets du cycle économique, et qu’il s’agit de savoir si l’on peut changer cet état de choses.
Il note que les règles internationales concernant les faillites pourraient être utiles, mais qu’elles n’ont guère de chances d’être mises en œuvre rapidement. Il indique qu’il pourrait être possible de négocier des moratoires sur les paiements des dettes, mais qu’il sera difficile de les rendre contraignants pour tous les créditeurs.
M. Reisen évoque alors la taxe Tobin et le contrôle des mouvements de capitaux. Il note l’attrait politique de la taxe Tobin, qui a reçu le soutien des premiers ministres de France et d’Allemagne, en dépit des objections de leurs ministres des finances.
Il pose alors la question de savoir si cette taxe est applicable ou souhaitable. Il note les possibilités de repli sur d’autres instruments financiers et de délocalisation des transactions. Il note aussi que la taxe rendrait l’arbitrage plus coûteux, ce qui pourrait accroître la volatilité. Il souligne que la volatilité de haute fréquence des monnaies du G3 a diminué, et que la taxe n’empêcherait probablement pas d’importants mouvements sur les monnaies. En outre, il souligne que les transactions de change diminuent, et que l’assiette fiscale potentielle diminue donc également. Enfin, il estime que cet impôt serait répercuté sur les consommateurs.
Il estime que les contrôles des capitaux mis en place par le Chili et la Malaisie n’ont eu qu’un succès limité. Au Chili, les investisseurs ont été en grande mesure à même d’échapper aux contrôles, qui s’appliquaient à une catégorie étroite de prêts. En Malaisie, les restrictions applicables à la conversion de la monnaie ont permis à ceux qui avaient des liens avec le gouvernement de se créer des rentes.
M. Coldrick répond aux commentaires de M. Kennedy sur la coordination en soutenant qu’il doit y avoir un moyen d’aller au‑delà des frontières nationales pour concevoir des politiques ayant un impact véritable sur l’économie.
M. Larsen convient qu’il y a des cas où la coordination internationale est efficace. Il note l’exemple de l’accord du Plaza qui a permis de dévaluer un dollar surévalué à la fin des années 80.
M. Baker répond aux commentaires de M. Reisen sur la taxe Tobin en notant qu’il n’a pas mentionné la réduction des ressources gaspillées dans le secteur financier comme un objectif de la taxe Tobin. M. Baker souligne que les estimations plausibles de la baisse des transactions qui résulterait d’une taxe Tobin impliquent que 80 milliards de dollars par an seraient libérés. Cette économie découlant d’une réduction des transactions serait la principale source des recettes. Il n’y aurait pas besoin de répercuter les coûts sur les consommateurs.
Il n’est pas d’accord avec la déclaration de M. Reisen selon laquelle la taxe Tobin ne pourrait pas être mise en application. Il convient que les transactions pourraient se reporter sur d’autres instruments, ce qui implique que la taxe Tobin devrait prendre la forme d’un impôt général sur les transactions financières. Il note que les copyrights représentent effectivement une taxe de 100 pour cent (collectée par des intérêts privés) sur les logiciels, la musique enregistrée et le matériel vidéo. Pourtant, les copyrights sont généralement respectés. En revanche, le taux le plus souvent proposé pour une taxe Tobin n’est que de 0.1 pour cent.
M. Reisen répond que les copyrights ne sont pas respectés. Il indique que sa fille de 13 ans télécharge du matériel protégé par des copyrights sur l’Internet.
M. Janssen indique que la politique monétaire devrait jouer un rôle plus important vis à vis de la conjoncture. Il souligne que l’OCDE rapporte que la plupart des pays ont eu un écart entre la production effective et la production potentielle de 1 à 2 points de pourcentage du PIB pendant les années 1990, ce qui est révélateur d’une politique gravement et durablement inadaptée.
M. Evans estime qu’il faut mieux coordonner la conception des politiques. Il souligne encore la nécessité d’un forum public au sein duquel plusieurs voix pourraient se faire entendre.
M. Baker résume les débats. Il prend note des désaccords considérables entre les représentants du TUAC et l’OCDE sur la plupart des questions soulevées. En résumé, en dans l’ordre :
1. La coordination – Les représentants de l’OCDE semblent penser que le niveau actuel de coopération est adéquat, alors que les représentants du TUAC estiment que des décisions plus coordonnées pourraient améliorer les résultats.
2. Prise de décision par les banques centrales – Les représentants du TUAC estiment qu’il faut davantage de contrôle démocratique dans la détermination des objectifs des banques centrales, notamment la Banque centrale européenne. Les représentants de l’OCDE semblent être convaincus qu’une plus grande indépendance est la réponse adéquate aux erreurs commises dans le passé.
3. Structure des marchés de capitaux – Les représentants de l’OCDE estiment que des marchés de capitaux libéralisés n’ont guère de chances de créer des déficits d’accès aux marchés. Les représentants du TUAC craignent que ces déficits se produisent.
4. La taxe Tobin – Les représentants de l’OCDE estiment qu’une taxe Tobin est inapplicable et non souhaitable. Les représentants du TUAC considèrent que cet impôt pourrait constituer une force stabilisatrice sur les marchés monétaires et une grande source de revenus pour financer le développement.
5. Les contrôles de capitaux – Les représentants du TUAC considèrent les contrôles de capitaux comme un moyen éventuel de réduire la volatilité sur les marchés des changes. Les représentants de l’OCDE pensent que des contrôles de capitaux bien conçus peuvent être à l’occasion utiles, mais qu’ils sont souvent source de problèmes et contreproductifs.
6. Procédure internationale de règlement judiciaire – Les deux parties conviennent que ce type de règles internationales concernant les faillites pourraient être une solution intéressante pouvant se substituer aux méthodes actuelles utilisées lors des crises financières des pays en développement. Ils reconnaissent qu’il ne sera pas facile de concevoir des règles optimales, mais s’accordent à souhaiter que des travaux plus approfondis soient effectués dans ce domaine.
M. Baldwin conclut la réunion et remercie les participants.
EXPERTS
SYNDICAUX
M. Ronald JANSSEN |
Service
d'Etudes |
BELGIQUE |
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M. Bob BALDWIN |
Président de la réunion |
CANADA |
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M. Benoît ROBIN |
Assistant
confédéral - Secteur économique |
FRANCE |
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M. Bernard POIX |
Conseiller
national |
FRANCE |
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M. Turo BERGMAN |
International
Secretary |
FINLANDE |
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Mme Marina RICCIARDELLI |
Confédération
Italienne des Syndicats des Travailleurs - CISL |
ITALIE |
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M.Mikio HAZUMI |
International
Department |
JAPON |
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M. Peter COLDRICK |
Confederal
Secretary |
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M. Jim BAKER |
Head,
Multinational Enterprises |
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M. Bernard DUFIL |
Representative |
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COMMISSION SYNDICALE CONSULTATIVE AUPRÈS DE l’OCDE (TUAC)
M. John EVANS |
Secrétaire général Email: [email protected] |
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M. Roy JONES |
Conseiller principal |
|
Email: [email protected] |
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|
M. Roland SCHNEIDER |
Conseiller principal |
|
Email: [email protected] |
AUTRES EXPERTS
M. Flemming Larsen |
Directeur |
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RAPPORTEUR
M. Dean BAKER |
Directeur
adjoint Email: [email protected] |
ÉTATS-UNIS |
OSERVATEURS
M. Andreas BREITENFELLNER |
Economic
and Financial Attaché |
AUTRICHE |
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M. Brian McFEETERS |
Conseiller |
ÉTATS-UNIS |
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M. Patrice DREISKI |
Conseiller
Financier |
FRANCE |
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M. Lukas BEGLINGER |
Ministre,
Représentant permanent adjoint |
SUISSE |
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SECRETARIAT
DE L’OCDE
Secrétariat général
M. Herwig SCHLÖGL |
Secrétaire général adjoint |
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Direction des Affaires Financières, Fiscales et des Entreprises
M. Rinaldo PECCHIOLI |
Directeur adjoint |
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M. John K. Thompson |
Conseiller |
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Département des Affaires économiques
M. Jorgen ELMESKOV |
Directeur adjoint, Branche des Etudes de politique économique |
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M. Mike KENNEDY |
Chef de la Division des Etudes monétaires et financières |
Centre de Développement
M. Helmut REISEN |
Chef de Division (Mondialisation financière et gouvernance) |
Direction de la communication et des relations extérieures
M. John West |
Chef
de la Division des relations publiques |
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M. Will Davis |
Administrateur
principal, Division des relations publiques |
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M. Rory CLARKE |
Éditeur,
Observateur de l’OCDE
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Mme Gráinne Mooney |
Chargée
de la coordination du Programme |
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[1]. Une étude n’a trouvé aucun impact négatif de l’inflation sur la croissance avec des taux d’inflation allant jusqu’à 40 pour cent (Bruno, M., 1995, « Est‑ce que l’inflation ralentit vraiment la croissance », Finance et développement (septembre)).
[2]. On trouvera une étude comparative des performances des pays en développement pendant cette période dans « The Scorecard on Globalization 1980‑2000: Twenty Years of Diminished Progress », de Mark Weisbrot, Dean Baker, Egor Kraev et Judy Chen, Center for Economic and Policy Research 2001, (http://www.cepr.net/globalization/scorecard_on_globalization.htm).
[3]. Ce tableau a été tiré de : « Money for nothing : The Increasing Cost of Foreign Reserve Holdings to Developping Nations » par Dean Baker et Karl Wallentin, Center for Economic and Policy Research 2001 (http://www.cepr/Reserves%20paper.htm)
[4]. Voir « Does the Stock Market Rationally Reflect Fundamental Values? » de Lawrence Summers, Journal of Finance, 1986, pp 591‑60.
[5]. On trouvera cet argument dans « Securities Transaction Taxes and Financial Markets » de Karl Habermeier et Andrei Kirilenko, International Monetary Fund Working Paper, 2001, WP/01/51.
[6]. Voir le débat dans Preventing Currency Crises in Emerging Markets, edité par Sebastian Edwards et Jeffrey Frankel, NBER et Université de Chicago Press, 2001.