Les nouvelles sanctions de Donald Trump vont durement frapper le peuple du Venezuela

August 31, 2017

Mark Weisbrot
Mémoire des luttes, 31 août 2017

Página/12, 30 août 2017
The Hill, 28 août 2017

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L’administration Trump a annoncé ce jeudi 24 août de nouvelles sanctions sans précédent contre le Venezuela, qui ont pour objectif de couper les financements accordés à ce pays. L’équipe Trump a beau prétendre que les sanctions sont uniquement dirigées contre le gouvernement, tous les économistes savent que c’est faux. Saigner à blanc l’économie en bloquant l’accès aux devises étrangères va frapper le secteur privé, la plupart des Vénézuéliens, les populations les plus pauvres et les plus vulnérables.

Ces sanctions vont aggraver la sévère dépression que traverse l’économie vénézuélienne depuis plus de trois ans et demi, qui s’est déjà traduite par une baisse de plus d’un tiers du revenu par habitant. Elles vont accentuer les pénuries de nourriture et de médicaments de base indispensables. Elles vont exacerber le grave déficit de la balance des paiements du pays et nourrir la spirale de l’inflation (600 % au cours de l’année passée), ainsi que la dépréciation de la monnaie (sur le marché noir) qui n’a fait que s’accélérer depuis fin 2012.

Ces sanctions vont aussi exacerber encore les antagonismes dans un pays déjà fortement divisé. Les dirigeants de l’opposition qui soutiennent les sanctions, ou qui leur sont associés du fait de leur lien de longue date avec les Etats-Unis, seront vus comme des traitres – comme le sont les Républicains de l’administration Trump, y compris Trump lui-même, par ceux qui sont persuadés qu’ils ont collaboré avec le gouvernement russe pour gagner les élections de 2016.

Les sanctions prises par Washington sont aussi illégales tant au regard de la loi américaine que de la loi internationale. Elles violent la charte de l’Organisation des États américains (Chapitre 4, Article 19) ainsi que d’autres traités que les Etats-Unis ont signés. Pour pouvoir se conformer à la loi américaine, le Président doit aussi mentir et dire que les Américains sont face à une situation d’« urgence nationale » due à « une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale » causée par le Venezuela. Ce qui à l’évidence est ridicule.

Le premier effet négatif des sanctions sera d’interdire au Venezuela d’emprunter ou de vendre des obligations au sein du système financier américain. Ils interdisent aussi à CITGO [1], la compagnie d’industrie pétrolière vénézuélienne basée aux Etats-Unis, de rapatrier des dividendes ou des profits au Venezuela. De surcroît, si le Venezuela voulait procéder à une restructuration de sa dette, de façon à en réduire le service durant la crise ambiante, il serait incapable de le faire parce qu’il ne pourrait pas émettre de nouvelles obligations.

Dans les faits, le décret américain va supprimer toutes les sources de financement potentielles, autres que celles émanant de la Russie ou de la Chine. Ce qui va conduire à une baisse encore accrue des importations, qui ont déjà chuté de plus de 75% durant les cinq dernières années. Ce qui se traduira aussi par une aggravation des pénuries et du déclin économique, du fait qu’une grande partie de l’économie nationale vénézuélienne est dépendante des importations. Le décret comporte cependant une dérogation concernant les importations de pétrole venant du Venezuela.

Pourquoi Trump ferait-il aujourd’hui ce que même ses alliés de droite en Amérique latine, et la majorité de l’opposition vénézuélienne, n’ont pas soutenu lorsqu’il a menacé d’imposer ces sanctions le mois dernier ? Comme c’est le cas avec beaucoup de décisions apparemment irrationnelles du président américain, il est difficile de vraiment le savoir. Mais il semble que la stratégie soit de détruire encore plus l’économie pour pousser le peuple à se soulever et à renverser le gouvernement, ou peut-être provoquer un coup d’État militaire.

Dans les dernières semaines, les violentes manifestations de rue se sont calmées. La plupart des dirigeants de l’opposition ont accepté de participer aux élections régionales avancées à octobre. C’est là une évolution positive pour ceux qui souhaitent que le conflit trouve une solution pacifique. Mais pour les extrémistes comme Marco Rubio, qui veulent un changement de régime, et que Trump semble écouter, la paix est une mauvaise nouvelle, comme pour les médias dont la stratégie est : « plus il y a de sang et plus ça vend ». Tous sont susceptibles de trouver leur avantage dans l’exacerbation de la crise économique et des souffrances de la population, leur espoir étant de ramener les gens dans la rue et les détourner des négociations qui seront nécessaires pour résoudre le conflit.

En fin de compte, on ne peut pas écarter l’idée que Trump ait décidé ce décret pour en faire un nouveau moyen de détourner l’attention des mauvais résultats politiques qu’il enregistre dans le pays. Détourner l’attention a été son mode opératoire depuis sa campagne présidentielle l’an dernier. Dans le cas présent, c’est particulièrement dangereux parce qu’il a aussi menacé d’engager des actions militaires contre le Venezuela, et des sanctions américaines de cette envergure ont souvent été suivies d’interventions militaires.

Étant donné que la présidence de Trump continue de se dégrader fortement, la pression pour sauver la mise en recourant à la guerre va certainement s’accentuer. Le Venezuela n’est pas la meilleure cible en termes de communication car la « menace pour la sécurité » américaine est difficile à vendre. Mais Trump et ses conseillers peuvent y voir une entreprise moins risquée que certaines des alternatives que sont la Corée du Nord, l’Iran ou la Syrie.

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